Accord égalité homme/femme ou l’art de ne pas appliquer ce que l’on signe

jeudi 16 février 2012, par CGT.ST-STE

Un « Accord d’entreprise relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » a été signé par les directions de ST-Ericsson/STMicroelectronics et les syndicats en Février 2011. En voici quelques extraits… …et leur application.

PDF - 159.6 ko
Tract pdf

 Réponse de la direction aux demandes individuelles de positionnement salarial

Article 8 - Rémunération
« …Tout(e) salarié(e) estimant être défavorisé(e) ou souhaitant s’assurer de son positionnement salarial pourra s’adresser à une personne de la Direction des Ressources Humaines de son site afin de mener une analyse de sa situation… »

En Avril 2011, Mme X fait une demande d’analyse de sa situation auprès de sa RH Mme Y, conformément à l’article 8. Après quelques semaines sans réponse, une relance est renvoyée… 10 mois après, son mail reste toujours sans réponse.

En mars 2011, Mme Z fait une demande d’analyse de sa situation auprès de son RH Mr T, conformément à l’article 8. Après quelques semaines sans réponse, Mme Z étant plus tenace que Mme X, plusieurs relances sont régulièrement faites… 11 mois après, son mail reste toujours sans réponse.

 Suivi de l’accord par les syndicats : les commissions de suivi

Article 17 – commissions locale de suivi égalité femmes/hommes
« … Le plan d’application local du présent Accord ainsi que son bilan est présenté à la commission locale lors de deux réunions annuelles. »

Il a été acté lors du CE ordinaire d‘octobre 2011 que la commission locale grenobloise « suivi de l’accord égalité h/f » serait convoquée pour une réunion de bilan le 29 novembre 2011. En février 2012, aucune convocation n’est encore parvenue aux membres de la commission ; les deux récentes relances par mail restent toujours sans réponse. L’Inspectrice du travail a récemment été informée de cet état de fait.

 Notre direction ne respecte ni ses salarié(e)s, ni les syndicats…ni même son accord !

La direction affirme que la notation n’est pas « genrée » c’est-à-dire qu’elle est la même pour les hommes et les femmes, au moins depuis 2007. Au vu des chiffres présentés ci-contre, nous avons évoqué l’éventualité d’un traitement différent des hommes et des femmes lors des évaluations annuelles. Cette remarque a été faite localement en CE, et en CCE, les interlocuteurs de la direction ST/STE étaient différents mais les réponses ont été identiques : « C’est votre point de vue ! ».

Nous avons donc demandé le point de vue d’une statisticienne. Selon elle, si la répartition des notes était vraiment indépendante du genre, on n’aurait qu’une probabilité de 9/10 000 d’observer ce que l’on observe »… Autre point de vue !

Or il est plus facile de revendiquer une forte augmentation avec un « Outstanding » qu’avec un « Needs improvement ».

Notons que l’outil RH de positionnement salarial justifie un écart de salaire par des mauvaises notes : la RH analyse donc les discriminations salariales à l’aide d’un critère porteur lui-même de discrimination !!!

« Les statistiques… et les points de vue »

Répartition des notes pour les hommes et les femmes lors des évaluations annuelles chez ST-Ericsson pour l’année 2010 – Répartition intra-population en %
Effectifs femmes : 231,
Effectifs hommes : 743

Notes Femmes Hommes
Oustanding 4.88 9.75
Very good 45.37 45.35
Good 31.22 28.8
Meet expectation 3.41 3.84
Need Improvement 0.98 1.03
Non- évaluables 5.85 1.33
Non-évalués 8.29 9.9

CAPITALfilles salaires minuscules
5 bonnes raisons d’embaucher une femme :

  • A travail égal, elle est moins payée.
  • Même à 80%, elle assure au moins un 90%.
  • Elle ne risque pas de vous piquer votre place de chef.
  • Si elle n’est pas d’accord avec vous, vous pourrez toujours dire qu’elle est hystérique.
  • Elle a intégré le fait que son travail à une valeur plus faible que celui d’un homme.

 Des écarts homme/femme ?

Les deux graphiques suivants montrent bien les écarts entre homme et femme Ingénieurs et Cadres en terme de rémunération et d’évolution de carrière.

Les populations hommes et femmes Ingénieurs et Cadres ont des âges et des anciennetés similaires. Une comparaison directe n’est donc pas absurde, même si une véritable analyse serait préférable.
graphique 1
En noir, les déciles de salaires des Ingénieurs et Cadres en 2010 par genre. Le décile partage une population par groupe de 10%. Par exemple, au décile 3, on a 30% de la population qui gagnent moins et 70% qui gagnent plus.

On voit clairement que les déciles des hommes augmentent bien plus vite que ceux des femmes.

A la médiane, le salaire de femmes est d’environ 90% de celui des hommes. Au décile 9, on est à 81%.

La direction est certainement viligante à ce que ces dames ne gagnent pas plus que leurs conjoints.

graphique 2

Répartition des hommes et celle des femmes par Job Grade en 2010

On constate la sous-représentation des femmes à partir du Job Grade 15.

Pour que les répartitions soient similaires, il faudrait augmenter le nombre de femmes Job Grade 15/16 de 33% et celui des femmes Job Grade17 ou plus de 174% !!!

La situation n’évoluant pas, nous pensons que seuls les quotas permettront de faire changer les choses.

 Les réponses de la direction

Face à nos études, la direction répond que ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, sans proposer d’autre analyse.
Suite à l’accord de 2011, la direction a réuni un groupe de travail en deux temps : d’abord sur la rémunération, puis sur l’évolution de carrière.

Sur la rémunération, l’approche de la direction est de se limiter à une analyse par Job Grade. Au sein de chaque Job Grade, un profil référent est défini (ancienneté ST moyenne, ancienneté dans le JG moyenne, notes sur les 4 dernières années et salaire moyen). Vous pouvez être « potentiellement discriminée » si votre salaire est inférieur au salaire moyen du JG et si les écarts d’anciennetés et de notes sont globalement positifs (formule magique de la RH).

Lorsque nous avons présenté à la direction les premiers résultats de l’analyse statistique votée par le CE de Grenoble et qui corroborait nos remarques, la réponse de la direction a été plus ou moins : « votre expert s’y connaît certainement en statistiques mais elle n’y connaît rien au monde de l’entreprise ».

Mais la mauvaise foi de la direction a atteint son paroxysme sur la partie « Evolution de carrière », la direction étant incapable de donner une réponse précise à nos demandes de données statistiques. Nous avons été jusqu’à lui fournir le fichier Excel de calcul, en vain. Pour l’instant, les analyses de la direction permettent de conclure …. qu’on ne peut pas conclure. Nous espérons encore que nos demandes précises aboutiront… l’espoir fait vivre.

 Quelques réajustements :

Suite au premier groupe de travail sur la « rémunération », l’outil RH qui en résulte a été appliqué à l’ensemble des salariées ST-STE. La situation des salariées potentiellement discriminées a été ensuite analysée par leur RRH selon une méthode inconnue et jamais présenté aux commissions et aux élus CE, DP, CCE de ST et STE.

Certaines femmes ont donc vu leur salaire réajusté, qu’elles aient demandé l’analyse de leur situation ou non.
La réunion de la commission locale de suivi d’accord n’ayant pas encore eu lieu, nous ne connaissons ni le nombre de salariées concernées sur le site, ni l’ampleur de ces réajustements.

Ces réajustements, même limités, montrent la réalité des discriminations. Ils sont pour nous un petit début d’une action de grande ampleur pour rétablir l’égalité professionnelle. Cette action coûtera de l’argent à dépenser en plus de la politique salariale. Mais n’oublions pas qu’il s’agit de réparer des injustices inacceptables